Petites histoires
Le miel et les abeilles

Le tilleul géant sous la terrasse bourdonne, vrombit, ronronne du matin jusqu’au soir depuis quelques jours. Notez qu’un géant qui bourdonne, c’est impressionnant. Il est plus que l’heure cependant de cueillir les petites fleurs blanches qui ne tarderont pas à jaunir, pour penser tout l’hiver durant, le nez dans la vapeur de tisane, à cet instant béni du printemps où bourdonne le géant. Mais quelle vie dans ce tilleul ! elles sont toutes venues là. Les petites minuscules qui font du sur place, les noires, les casaques, un frelon aussi, et puis d’autres petites bestioles inconnues au bataillon qui ressemblent à des mini criquets. Il ne faut pas prendre la fleur occupée, l’occupant pourrait vous piquer !

Les abeilles, il faut bien le dire, nous occupent un peu en ce moment. Le Roc les inspire, il les attire. Un essaim a choisi la chambre de la maison du Boulanger, inhabitée forte heureusement – que croyez-vous, les abeilles savent se tenir. Puis ce sont les pierres de notre maison qu’elles ont voulu inspecter pour éventuellement s’y nicher. Il a fallu toute la science d’un voisin paysan apiculteur pour les attirer dans une ruche stratégiquement placée. Et hier, à 21 heures, sa Peugeot s’est garée dans la cour, un poil trop tôt pour les demoiselles ailées qui ne voulaient pas se coucher. Ca bourdonne encore devant la ruche. Un poil trop tôt aussi pour les enfants pas encore endormis. Deux minutes après l’arrivée de dompteur d’abeilles, c’est notre maison qui se met à bourdonner, s’esclaffer, galoper… voilà trois enfants ravis d’avoir un si beau prétexte pour sortir du lit. L’apiculteur s’assoit, nous discutons. Des cèpes qui se montrent, des prés qu’il faut faucher, des abeilles qui, un peu partout, semblent avoir perdu leur latin. L’œil de l’apiculteur tombe sur l’accordéon d’Angèle. Cela fait trois ans, nous dit-il, qu’il n’a plus joué. Il faisait les bals, il n’a plus le temps, les demoiselles et leur miel ne l’entendent pas de cette oreille. Il attrape l’instrument. Dans notre cuisine, au milieu des assiettes restées sur la table, devant les enfants qui décidément, sont rudement contents d’être éveillés, il pianote en ouvrant et en fermant l’accordéon. Trois refrains, une avalanche de notes et les lumières des belles fêtes clignotent dans nos yeux. Magique, la musique. Les abeilles sont couchées, un vieux chiffon pour boucher l’entrée de la ruche, deux pointes pour clouer le couvercle, la Peugeot redémarre, les enfants vont se coucher, enchantés.

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